La moyennisation de la société de Mendras et la réduction des distances interclasses

 
En enfer, pas de distinction sociale

Henri Mendras écrit au milieu-fin du XXème siècle. C’est un sociologue du changement dans le sens où il se rend compte de l’évolution de la société (celle présentée avec l’évolution de la structure socio-professionnelle) et veut incorporer cette évolution dans son analyse de la structure de sociale.

Il est issu d’une famille de militaires aisés mais il grandit dans un département agricole et il voit disparaître progressivement ces agriculteurs pendant les trente glorieuses.

Il voit aussi une diminution des ouvriers qui se sont embourgeoisés (le mot est fort mais important) : ils gagnent mieux leur vie souvent, certains possèdent des actions de leur entreprise, beaucoup sont devenus propriétaires de leur logement, comme s’ils étaient des capitalistes ; beaucoup aussi sont devenus des techniciens voire au-delà, c’est-à-dire des travailleurs au-dessus des ouvriers.

Il voit aussi la société qui se féminise, les employés devenir la catégorie la plus importante avec la tertiarisation, les qualifications augmenter, les inégalités diminuer...

Il voit la moyennisation de la société, c’est-à-dire l’organisation de la société non pas autour de deux classes qui s’affrontent mais autour d’un énorme groupe qu’il va appeler classe moyenne. Il rejette donc la vision polarisée de la société que pouvaient avoir Marx.




La présentation de la société qu’il propose n’est plus celle d’une pyramide, mais celle d’une toupie avec une sorte d’élite (3% de la population environ), des exclus (7%) et entre les deux une vaste classe moyenne. Et dans cette vaste classe moyenne, on aurait des « constellations », c’est-à-dire des groupes plus ou moins importants et plus ou moins rayonnants : la constellation populaire regrouperait 50% de la population. En haut de la classe moyenne, on aurait la constellation des cadres dite constellation centrale (25%) qui serait en pleine expansion. Et les individus pourraient passer d’une constellation à l’autre (eux-même au cours de leur vie ou leur descendance).

Il s’oppose donc à l’approche de Marx dans laquelle une classe moyenne si importante n’existe pas, et dans laquelle le passage d’une classe à l’autre est quasi-impossible. Chez Mendras, il n’y a pratiquement qu’une seule classe (la moyenne), et les mouvements seraient importants à l’intérieur.

Il s’oppose donc à l’approche de Marx dans laquelle une classe moyenne si importante n’existe pas, et dans laquelle le passage d’une classe à l’autre est quasi-impossible. Chez Mendras, il n’y a pratiquement qu’une seule classe (la moyenne), et les mouvements seraient importants à l’intérieur.

Il s’oppose à Marx aussi parce qu’il entrevoit une homogénéisation des modes de vie dans toute la société et pas seulement à l’intérieur des classes.

Il prend l’exemple du barbecue, mode lancée par la constellation centrale et adoptée par tous : l’élite, les moyens, les pauvres font des barbecues (cela fonctionne aussi avec le blue-jean’s). Or chez Marx, implicitement, les styles de vies sont différents entre classes sociales.


La seconde moitié du 20ème siècle a été marquée par une élévation générale des niveaux de vie et par une réduction des inégalités économiques (ce qui va contre l’exploitation à la Marx); les ménages ont globalement de plus en plus de moyens financiers, ils arrivent de plus en plus à épargner. Les équipements des ménages (en machine à laver, TV, voitures, etc.) qu’ils soient riches ou pauvres deviennent progressivement les mêmes. Tous en ont ou presque. L’école se démocratise (dans toutes les familles, les enfants poursuivent leurs études plus longtemps) …

On peut donc dire que les distances interclasses (entre les classes) se réduisent.

La distance interclasse est la mesure des inégalités entre individus appartenant à des classes différentes.

Or si les distances entre classes se réduisent et si les styles de vie s’homogénéisent, l’analyse marxienne perd grandement de sa pertinence.

Enfin, chez Mendras, il n’y aurait pas d’identité sociale véritablement propre à la classe moyenne, pas de stratégies mises en place, pas d’actions dans un but commun…

Au final, l'approche de Mendras, celle de la moyennisation de la société, n'est pas véritablement compatible avec celle figée et conflictuelle de Marx. Et cette approche remet en cause la pertinence de l'analyse marxiste.

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