La perte de sens de la notion de classe sociale (identification subjective, augmentation des distances intra-classes et rapports sociaux de genre)
Il y a trois grands autres arguments qui remettent en question la pertinence de la notion de classes sociales…
Le premier découle de ce qu’ont perçu Mendras et Lahire ; et
il est lié à l’identification subjective à une classe sociale.
L’identification
subjective à une classe est une façon pour un individu de se définir et de
percevoir la classe sociale à laquelle il appartient.
Chez Marx une « vraie classe sociale » (une classe pour soi) implique l’existence
d’une conscience d’appartenance pour ses membres. Et chez Marx, cette
conscience va de pair avec les critères objectifs de détention ou non du
capital : les bourgeois ont conscience d’être des bourgeois, les prolétaires
ont conscience ou finiront par avoir conscience d’être des prolétaires.
Sauf que, si l’on demande à un individu de dire s’il a le
sentiment d’appartenir à une classe, (1) il est possible qu’il vous réponde «
je n’en sais rien », (2) il est possible qu’il vous dise « non », et (3) s’il
répond oui, il est grandement probable (dans plus de la moitié des cas) qu’il
vous réponde « la classe moyenne » parce qu’il n’a pas forcément conscience
d’être dans une position favorisée (il y a toujours mieux) ou défavorisée (il y
a toujours pire).
Mais si les individus n’ont pas de conscience d’appartenance
ou si ceux qui en ont une pensent appartenir à la classe moyenne, le concept de
classe au sens marxien ne veut plus rien dire : où est l’exploitation ou la
domination, où est le conflit ou la lutte ? On serait tous des moyens donc ni
des exploiteurs ni des exploités, ni des dominants, ni des dominés.
Le deuxième argument, c’est celui de l’augmentation des
distances intra-classes.
La distance
intra-classe est la mesure des inégalités entre individus à l’intérieur d’une
même classe.
Et dans la réalité, c’est ce qui se passe dans la
bourgeoisie (pour peu que le terme veuille dire encore quelque chose) : les 1%
les plus riches (le top 1%) se détachent financièrement du reste de ceux que
l’on pourrait placer dans cette catégorie. Au sens de Marx, un chef
d’entreprise de 20 salariés serait dans la même classe sociale que Bernard
Arnault ou Vincent Bolloré ou François Pinault (allez voir sur internet) … Sauf
que dans la réalité, leur patrimoine (leur capital) et les revenus qui vont
avec n’ont rien en commun.
Et le problème serait le même dans la classe moyenne. Les
écarts de revenus n’ont pas explosé comme dans la classe aisée, par contre il y
a ceux qui peuvent devenir propriétaires et ceux qui ne le peuvent plus parce
que le prix de l’immobilier a explosé. Il y a ceux qui peuvent payer des études
longues voire prestigieuses et ceux qui ne le peuvent pas. Etc.
Or, si les classes sociales deviennent plus hétérogènes, si
elles ne sont plus composées d’individus homogènes, peut-on encore parler de
classes sociales ?
Le troisième argument postulant la perte de sens de la notion
de classes sociales, c’est que les véritables séparations de la société
actuelle, les véritables fractures, pourraient être autre part que dans des
classes sociales. Elles pourraient notamment être dans les rapports sociaux de
genre.
Les rapports sociaux de genre sont des rapports de domination ou de pouvoir entre les sexes dans toutes les sphères de la vie sociale.
Peut-être que le rapport de domination le plus important
dans la société moderne concerne la domination des femmes par les hommes ;
domination qui serait visible sur les salaires, mais aussi le travail
domestique mais aussi la charge mentale mais aussi les inégalités d’accès aux
différents postes de la société, les féminicides, la maltraitance, etc.
On pourra noter que ce raisonnement sur les rapports sociaux de genre peut être étendu aux différences d’origines ethniques (blancs/minorités), à la religion, aux handicaps...
Commentaires
Enregistrer un commentaire