L'analyse de la structure sociale de Marx
Marx est allemand mais il fuira l’oppression allemande pour
se réfugier en Angleterre. Or l’Angleterre, au XIXème siècle est le pays le
plus industrialisé au monde. Et cette industrialisation a bouleversé la
structure sociale qui pouvait exister auparavant. Il n’y a plus véritablement
de hiérarchie de droit (par exemple, le droit faisait qu’on naissait noble ou
pas) … Mais cela n’empêcherait pas qu’il existerait une hiérarchie de fait: il
y aurait bien des individus en haut de la société et des individus en bas de la
société.
Karl Marx (1818-1883) |
Et, pour Marx, cette société serait hiérarchisée
essentiellement autour de deux grands groupes sociaux, deux grandes classes
sociales, aux intérêts divergents… On dit même « aux intérêts antagonistes »
(ce qui signifient qu’ils sont divergents et rivaux).
Pour Marx, il n’y a pas besoin de beaucoup de critères pour
comprendre la structure sociale. Il en
suffit d’un : la place dans le système productif. Et pour Marx cette place se
résume à une chose : le fait de détenir les moyens de production, c’est-à-dire
le faîte de détenir les entreprises avec leurs machines ou les terres, ou à
l’opposé, le fait d’être un travailleur, c’est-à-dire de ne posséder que sa
force de travail.
Les moyens de
production, c’est ce que Marx nomme capital (ce qu’on avait appelé le facteur
capital dans le chapitre sur la croissance) … Et qui donne le nom « capitalisme
» au système dans lequel on est toujours actuellement.
On peut ajouter, indépendamment du capital, qu’ils ont
souvent le pouvoir politique. Mais c’est sans doute ce capital qui leur permet
de l’avoir. On est au 19ème siècle, et les lois seraient avant tout faites par
des bourgeois dans les assemblées pour favoriser les bourgeois.
John Davison Rockfeller (1837-1939). L'exemple type d'un bourgeois capitaliste puissant. |
Le but principal des capitalistes serait de renouveler leur
capital et de l’augmenter (ce qui revient à augmenter leur richesse, leur
patrimoine). Leur but implicite est
aussi de conserver le pouvoir et leur place dans la société.
Pour Marx, ces deux classes sont une réalité objective. Marx
nommera ces classes définies de manière objective « classe en soi ». (En
soi, il y a bien ceux qui détiennent les moyens de production et ceux qui
détiennent leur force de travail).
La structure sociale s’articulerait donc pour Marx entre
deux classes qui sont hiérarchisées avec des capitalistes peu nombreux qui
exploitent les prolétaires (très nombreux), ce qui signifient que les bourgeois
s’enrichissent sur le dos du peuple des travailleurs et plus, particulièrement,
celui des ouvriers qui, eux, vivent dans la misère.
Marx fait un intervenir une autre notion dans son interprétation des classes sociales : la conscience d’appartenance. Cette conscience d’appartenance définit l'identité temporelle, culturelle et collective d'une classe sociale. En simplifiant: l’identité, ce qui permet d’identifier un individu ou un groupe d’individu, de reconnaitre sa nature, son type, sa place dans la société. Or, quand on a conscience d’appartenir à un groupe, c’est qu’on a identifié ce groupe et qu’on s’est identifié soi-même comme appartenant à ce groupe... souvent en opposition à un autre groupe.
- Les capitalistes auraient une conscience d’appartenance à leur groupe de capitaliste. Cela se traduirait par le partage de normes et valeurs propre au groupe mais aussi par la mise en place de stratégies de domination pour maintenir leur place dans la société. Les bourgeois ont ainsi des intérêts communs, des pratiques communes, des croyances communes, et des stratégies communes. Ils agissent pour leur classe. Marx parle alors de « classe pour soi ».
- Les prolétaires, eux, n’auraient pas nécessairement conscience de leur unité, du fait qu’ils sont dans la même galère, qu’ils ont eux-aussi des intérêts communs… mais cette conscience pourrait se développer avec le temps et sous l’action de syndicats par exemple. D’une classe en soi, on passerait à une classe pour soi. L’intérêt commun des prolétaires pourrait être alors la disparition de l’exploitation et l’amélioration des conditions de vie. L’idée que les ouvriers sont exploités et qu’ils pourraient s’unir va d’ailleurs se propager dès le XIXème siècle. Les ouvriers occuperaient ainsi une même place dans la société, ils ont donc des intérêts communs (même s’ils ne s’en rendent pas forcément compte), des pratiques communes, des croyances communes et pratiques et croyances se renforceraient sous l’action de la prise de conscience progressive de l’appartenance à cette même classe sociale des prolétaires.
Un autre point qui peut être important: il serait presque impossible pour un individu d’une classe de passer
dans une autre classe. Comment un ouvrier exploité et pauvre pourrait-il créer
son entreprise, gagner de l’argent et s’élever socialement ?
Vous pourriez me dire « en se mariant avec une bourgeoise »
! Mais croyez-vous sincèrement que les bourgeois allaient donner leur fille à
un prolo ?
Et dans l’autre sens… Un bourgeois pourrait-il devenir un
prolétaire ? Sans doute que l’on pourrait trouver des exemples mais ils
seraient trop peu nombreux pour qu’on en fasse une généralité.
L’intérêt de l’analyse marxienne est multiple :
- la « lecture » de la société est simple ; Il n’y a qu’un seul critère qui structure la société : la place dans le système productif (les capitalistes possèdent les moyens de production / les prolétaires possèdent leur force de travail).
- L’analyse met l’accent sur la domination, donc le pouvoir d’un groupe sur l’autre (l’Etat étant au service du groupe dominant); cette structure conflictuelle serait récurrente et c’est important: esclaves contre maitres à l'époque de l'empire romain, serfs contre nobles au Moyen-Age, prolétaires contre capitalistes durant l'ère industrielle.
- les diplômés (1) étaient peu nombreux, et (2) devaient surtout provenir de la bourgeoisie.
- les lieux de résidences n'étaient pas les mêmes pour les bourgeois et les prolétaires
Quoiqu'il en soit, on peut se demander si cette analyse, cette manière de voir la structure de la société, s'applique toujours au monde moderne? Nous permet-elle de comprendre les conflits sociaux actuels (les gilets jaunes par exemple)?
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