Les institutions peuvent jouer sur l'ampleur du chômage conjoncturel

 

Pour la démonstration qui suit, regardons l’évolution du taux de chômage avant, pendant et juste après la crise des SubPrimes, aux Etats-Unis, en France et au Japon.

Evolution comparée des taux de chômage en France, au Japon et aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, la baisse d’activité qui a résulté de la crise financière a fait passer le taux de chômage de 4,5% à 10% (+5,5 points de %). En France, on a + 2,3 points de % (on passe de 7,2% au minimum à 9,4% au maximum). Au Japon, c’est 1,8 points de %.

Evidemment, on peut penser que les Etats-Unis ont été plus impactés parce qu’ils étaient le foyer de la crise. Mais ce ne serait pas une explication. On peut penser que si la même chose avait débuté en France, l’augmentation du chômage n’aurait pas été aussi rapide et, sans doute, aussi brutale.

En réalité, la variation du taux de chômage dépend des institutions qui encadrent le marché du travail.

Les institutions sont les règles qui régissent une collectivité (pour nous, ici, un Etat et son marché du travail). Ces institutions dépendent souvent de la culture d’une nation. Et ces institutions peuvent être formelles (les lois, les politiques mises en place) ou informelles (certaines règles de vie qui découlent de valeurs).


Pour ce qui concerne les institutions formelles

En France, par exemple, il existe un code du travail très complet (on en reparlera) qui encadre :

  • les salaires (il existe un salaire minimum). Le salaire minimum est ainsi un niveau de salaire horaire au-dessous duquel il est interdit pour un employeur de rémunérer un salarié.
  • les baisses de salaires (qui ne peuvent se faire sans l’accord du salarié),
  • les licenciements (il faut justifier très précisemment les motifs de licenciements sous peine de sanctions au tribunal des Prud’Hommes), etc…

Il existe donc des règles de protection de l’emploi (des lois surtout) qui agissent comme des freins aux licenciements et aux baisses de salaires… beaucoup plus qu’aux Etats-Unis.

Or, en période de crise, ces freins institutionnels permettent de soutenir la consommation. La consommation va moins baisser que si le système était flexible. Et donc l’impact de la baisse de la consommation sur l’activité des entreprises est réduit. En fait le système est tel qu’il soutient la consommation pour que les entreprises aient toujours besoin de produire et donc de garder leurs salariés.

D’autre part, il existe en France un système de protection sociale des chômeurs : un salarié qui perd son emploi, pour peu qu’il ait suffisamment travaillé longtemps (4 mois sur les 28 derniers mois) peut percevoir 65% (au minimum) de son salaire moyen (et ce, pour une durée allant de 4 mois à 24 mois suivant sa durée de cotisation). Et même s’il épuise ses droits à indemnisation, il existe un minimum de ressources (le RSA ou revenu de solidarité active 550 euros pour une personne seule).

Donc, en situation de crise la consommation est soutenue par des salaires qui ne baissent pas ou peu et par des aides sociales.

Inversement, dans les pays les plus libéraux (Etats-Unis en tête), ceux où le marché du travail est moins encadré par des lois, par un code du travail protecteur, par des indemnités chômage à verser, etc., l’emploi subit souvent plus violemment les fluctuations de l’activité.


Pour ce qui concerne les institutions informelles 

Le Japon est un cas d’école, mélange de patriotisme économique et de pression sociale. Ainsi, pour faire face à la crise des subprimes, les entreprises japonaises n’ont pas cherché à baisser les salaires ou les primes ou à licencier… Elles ont fait l’inverse, à l’appel, il est vrai, du premier ministre de l’époque Shinzo Abe (qui est pourtant un libéral)… Mais ce n’était qu’un appel, pas une loi ou pas la mise en place d’une politique.

La logique est simple : en augmentant les bonus et primes des travailleurs de base, les entreprises ont cherché à favoriser le soutien de la consommation, et donc limiter les licenciements.

Mais surtout, les salaires des dirigeants ont baissé pour compenser la hausse des primes… et surtout-surtout, les grandes entreprises sont réticentes à procéder à des licenciements parce que cela renvoie une image de mauvaise gestion ou d’incapacité à maintenir l’emploi dans son organisation. Une sorte d’échec que tout le monde peut voir. Une valeur, ici l'honneur, est institutionnalisée; elle joue sur le comportement des chefs d'entreprises; elle limite, ici, les licenciements. 

Les règles informelles (donc les institutions) qui régissent le monde du travail au Japon réduisent l’ampleur des variations de l’emploi en situation de crises. En étant un peu réducteur, on peut dire que, au Japon, l’entreprise s’adapte à l’emploi.

Dans beaucoup de pays, à l’inverse du Japon, le réflexe a été de réduire la masse salariale  (réductions d’effectifs, réduction de salaires, réduction de primes)… Et aux Etats-Unis surtout, où le institutions sont tout autres qu’au Japon, c’est l’emploi qui s’adapte à l’entreprise.

Les institutions qui protègent les travailleurs et les chômeurs semblent donc réduire l’impact des fluctuations de l’activité économique sur l’emploi et le chômage.


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