Les politiques de flexibilisation du marché du travail

 


On a isolé, dans les articles précédents, différentes formes de « rigidité du marché du travail », de freins qui empêchent le marché du travail de s’adapter
:

  • Il existe des rigidités qui font que les salaires ne baissent pas ou très difficilement quand l’activité des entreprises baisse.
  • Il existe des rigidités qui font qu’on ne peut pas embaucher à un salaire horaire inférieur au salaire minimum
  • Il existe des rigidités qui font qu’il peut être difficile de licencier
  • Il existe des rigidités qui font que les employeurs ont peur de ne pas respecter le droit du travail parce qu’il est trop complexe (et donc ils ont peur de faire des erreurs)
  • Il existe d’autres rigidités comme celles de ne pas pouvoir faire varier le temps de travail (l’augmenter quand on a besoin de plus de main d’œuvre, le faire baisser quand l’activité diminue… ou encore faire travailler les gens le dimanche, etc.)

Toutes ces rigidités sont là pour protéger le travailleur de l’exploitation abusive et garantir un cadre d’une bonne vie individuelle et sociale…

Mais, nous disent notamment les théoriciens ou politiciens libéraux, ces bons sentiments se retournent contre l’emploi, et donc contre une bonne vie individuelle et sociale pour tous ceux qui sont touchés par le chômage.

C’est pourquoi ils prônent la flexibilisation du marché du travail.

La flexibilisation, c’est l’action de rendre quelque chose plus souple… moins rigide. Et les politiques de flexibilisation du marché du travail sont les politiques qui visent à rendre le marché du travail plus souple… moins rigide… dans le but de réduire le chômage structurel.

 L’objectif, c’est de faire en sorte que la main d’œuvre s’adapte facilement aux besoins de l’entreprise et de « rassurer » les employeurs.

Il y a donc plusieurs choses à envisager :

  1. Flexibiliser les contrats de travail en facilitant les licenciements. C’est ce qu’a fait le gouvernement avec les ruptures conventionnelles de contrat.« Dans les conditions fixées par les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir d’un commun accord des conditions de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI) qui les lie ». Si un accord est trouvé entre l’employeur et le salarié sur l’indemnité de licenciement, la date de fin, etc… l’employeur peut se séparer de son salarié. Dans certains pays, il n’y a même pas besoin d’accord. L’employeur fait ce qu’il veut. Et surtout, dans certains pays, il n’y a pas d’indemnité de licenciement (comme en Suisse ou en Allemagne). Et là, vous vous dîtes mais en quoi cela permettrait-il une baisse du chômage ? Eh ben, la logique, c’est celle-là : si l’employeur a moins peur d’employer, il emploie plus.
  2. Flexibiliser les contrats en facilitant l'utilisation de travailleurs en contrats temporaires (dits aussi précaires). Vous êtes employeurs… Vous savez que vous avez des chantiers pour 3 mois mais vous ne savez pas ce qui va se passer ensuite. Vous avez temporairement besoin de main d’œuvre. Depuis 1979, en France, la loi vous permet de passer des contrats pour des durées déterminées (1 jour, 3 mois, 1 an, 18 mois max), contrat qui peut être renouvelé une fois. Mais de tels contrats existaient déjà de manière détournée en France sur un modèle américain : le contrat d’intérim. Dans ce cas, l’employeur fait appel à une agence d’intérim (ADECCO, Manpower, Randstad…) qui est celle qui salarie temporairement une personne (l’intérimaire). L’intérêt pour l’employeur, c’est de ne plus s’embêter avec le recrutement et de minimiser l’asymétrie d’information (normalement l’agence d’intérim sait qui elle envoie, elle sait si le travailleur est sérieux ou pas… et si elle fait mal son boulot, l’employeur fera appel à une autre agence d’intérim). L’intérêt pour l’agence d’intérim, c’est de facturer un service à l’employeur en s’occupant du recrutement. L’agence d’intérim est un intermédiaire que l’on paie. Mais surtout, en rassurant l’employeur sur sa capacité à se séparer rapidement d’un travailleur, et en améliorant sa capacité à faire varier sa main d’œuvre en fonction de son activité, on l’incite à embaucher.
  3. Flexibiliser les salaires en facilitant les variations de salaire. Vous êtes employeur… Votre activité baisse, vous avez moins de rentrées d’argent. Plutôt que de licencier, vous demandez (ou vous imposez) un effort collectif à vos salariés sur les salaires. Si la somme des rémunérations diminue, les poids des salaires dans le budget de l’entreprise diminue. L’employeur peut alors envisager de ne pas licencier, voire il peut être rassuré quant aux embauches : l’employeur sait qu’il n’aura pas besoin de licencier. Il peut donc embaucher plus. Le problème, c’est qu’en France, les variations de salaires sont encadrées par la loi… alors qu’il faudrait qu’elles résultent d’une négociation entre l’employeur et le salarié, ou surtout entre l’employeur et les syndicats (comme c’est le cas en Allemagne). La discussion directe sans l’intermédiare qu’est l’Etat permettrait à l’entreprise de s’adapter plus facilement aux variations de l’activité.
  4. Flexibiliser les salaires en supprimant le salaire minimum. Dans le cadre des politiques qui permettent d’adapter les rémunérations à l’activité mais aussi de diminuer le coût du travail, nombreux sont ceux qui demandent la baisse du salaire minimum à un niveau beaucoup plus bas ou ceux qui demandent la suppression pure et simple du salaire minimum. Ainsi, il existe un salaire minimum à Genève mais pas dans le reste de la Suisse. Il n’y en a pas non plus au Danemark, en Italie, en Autriche, en Finlande et en Suède. Or à l’exception de l’Italie, ce sont des pays où le chômage est faible.
  5. Flexibiliser le temps de travail en facilitant le temps partiel ou en annualisant les heures. Vous êtes employeur d’une entreprise de livraison : vous avez besoin que vos travailleurs travaillent plus en hiver pour Noel et moins en février où tout le monde est déprimé et ne s’offre pas de cadeaux. Vous voulez avoir le pouvoir de faire varier les heures hebdomadaires de vos salariés. Autre exemple : vous êtes dirigeant d’un centre commercial : vous voulez pouvoir faire travailler plus vos travailleurs les dimanches à l’approche des fêtes. Mais vous voulez aussi pouvoir les faire travailler moins en périodes creuses. Vous, en tant que futurs cadres, serez peut-être touchés par cette flexibilisation des horaires et, plus particulièrement, par l’annualisation du temps de travail (on répartit sur vos heures de travail sur an et pas sur une semaine de 35 heures… Vous aurez ainsi des semaines de 50 heures et vous récupérerez ensuite). Cette flexibilisation rassure » les employeurs qui sont alors moins rétifs à l’embauche. D’autre part, la flexibilisation des horaires, c’est aussi la capacité de faire travailler plus que le temps légal hebdomadaire de travail. Par exemple, en France, la durée légale de travail est de 35 heures par semaine. Au-delà, on arrive dans ce qui s’appelle les heures supplémentaires qui sont payées avec une majoration (+25%). A titre de comparaison, en Italie, il faut faire plus de 40 heures par semaine pour tomber dans les heures supplémentaires. Mais par flexibilisation des horaires, on peut aussi entendre la capacité d’embaucher à temps partiel. Dans ce cas, le salarié ne fait pas 35 heures par semaines mais 17h30 (un mi-temps) ou moins encore. Certains pays du Nord de l’Europe (Pays-Bas en tête) connaissent des taux de chômage très faibles mais des taux d’emploi à temps partiel très élevés… notamment pour les femmes. Cette capacité à embaucher sur un temps inférieur au temps « typique » permet à l’employeur de verser des salaires moindres : vous travaillez 17h30, vous êtes payés pour 17h30.

Commentaires

Articles les plus consultés