La stigmatisation génère la déviance



La plupart d’entre vous avez un groupe d’amis. Et si vous êtes honnêtes, malgré toute la bonne éducation que vous pouvez avoir, occasionnellement ou régulièrement vous jugez les autres, et surtout ceux qui ne sont pas dans votre groupe.

Telle personne est une « conne », tel groupe est composé de gens « bizarres ». Tel groupe a une étiquette d’intellos, un autre une étiquette de « racailles », de geek, de gothics, etc. Et ne me dîtes pas que ce n’est pas vrai. A des degrés divers, ça vous est arrivé.

En fait, vous avez collé des étiquettes à des groupes ou à des individus. On étiquette, vous étiquetez… C’est l’étiquetage. Et ce n’est pas bien ! J’aimerai que vous soyez plus tolérant s’il vous plaît.

L’étiquetage est la réaction de la société à l'égard d'un individu qui transgresse une norme, par laquelle la société désigne cet individu comme déviant.

Mais la vie en société ne laisse pas tout le temps la place à la tolérance…

Imaginons, un groupe (celui qui est le plus puissant parce qu’il détiendrait une certaine forme de pouvoir… il serait composés du nombre le plus important d’individus, il détiendrait les médias, le pouvoir économique, le pouvoir politique, etc.) … Ce groupe à son propre système de normes et de valeurs (il peut d’ailleurs être composés de sous-groupes avec leurs propres systèmes mais qui se retrouvent dans un système commun général… Vous allez comprendre). Et ce grand groupe juge ceux qui n’ont pas les mêmes normes et valeurs. Ce qu’on appelle parfois un jugement de valeurs. En jugeant les autres individus ou les autres  groupes, il leur colle une étiquette sociale. Il en fait des individus ou des groupes à part, des individus ou des groupes qui ne seraient pas dans la normes… des individus ou des groupes, donc, déviants.



Etre déviant, c'est ici transgresser une norme et être étiqueté comme tel. Par exemple, pour beaucoup d’élèves, garçons ou filles d’ailleurs, on ne doit pas aller au club de danse quand on est un garçon. Assez rapidement, il sera collé une étiquette au garçon danseur. Sans prendre de pincette et comme je parle de bourrins: tapette, gonzesse, travelo, etc. Le film Billy Elliott traite très bien de ce problème.


Ce qui est intéressant dans cette approche, c’est qu’un individu n’est pas déviant par lui-même. Il est déviant parce que les autres le désignent comme déviant. C’est la thèse de Howard Becker.

Howard Becker (1928-2023)

En fait, c’est une partie de la thèse de Becker parce que étiqueter n’est pas suffisant. On peut désigner quelqu’un comme étant différent du groupe sans que cela pose problème. Pour qu’il y ait déviance, nous dit Becker, il faut qu’il y ait sanction : des insultes, de la maltraitance, de la discrimination, de l’exclusion, etc.

Soyez honnêtes: imaginons une fille qui change de petit copain toutes les semaines. Quel qualificatif allez-vous lui donner ? Et est-ce que ce sera votre copine ? C’est le problème qui est posé au début de Sex education avec l’étiquette apposée (à tort d’ailleurs) à Maeve.



Vous remarquerez qu’il pourrait en être tout autrement avec garçon qui changerait de petite amie toutes les semaines.

L'étiquetage des déviants varie dans le temps: ce sont les entrepreneurs de morale (ceux qui dise ce qui est bien ou mal, normal ou anormal) qui identifient des pratiques comme déviantes. Ils correspondent à ce groupe qui a le pouvoir dont je parlais précédemment. Ca peut être au lycée, dans la ville, dans la société. Et à une moindre échelle, cela varie d’un groupe à l’autre.

Laissez-moi vous raconter deux histoires. « Oh oui, papy Humeau… Elles sont si passionnantes » ! Merci à vous… Mais le premier qui m’appelle Papy, je lui mets une tête.

Le fils d’un de mes amis fait de la danse, Hip-Hop comme classique. Dans son collège de campagne, il en prenait plein la tête. Et une fois qu’il est entré au lycée en centre-ville de Tours, chez les « bourgeois », il était un individu « normal »… normal parce qu’il est dans la norme de la bourgeoisie qu’un garçon fasse de la danse, ou de la peinture, ou du chant… Au collège, les entrepreneurs de morale, le  groupe dominant était un groupe issue de la classe sociale populaire, au lycée du centre-ville de la grande ville, le groupe dominant était celui des bourgeois.

Plus proche de nous… Je ne sais plus si c’est l’an passé ou celui d’avant encore. Des élèves de seconde me disaient après que je leur ai demandé pourquoi ils n’étaient pas au lycée Paulsen : « A Paulsen, ils sont pas normaux » (j’ai eu droit à « y sont pas finis là-bas »). C’est bien que certains élèves de Zola établissent un ensemble de règles, de critères, qu’il faudrait suivre si on était normal… Normal au sens de ces élèves de Zola. Ils sont donc des entrepreneurs de morale..

Dans ces deux exemples mais aussi dans l’exemple de Billy Eliott, dans celui de Maeve, l’étiquette qui est accolée est péjorative, c’est pourquoi on parlera plutôt de stigmatisation. Et la stigmatisation repose surtout sur des stéréotypes (c’est-à-dire des images habituellement admises mais souvent sans ou sans peu de fondement). A ce titre, la stigmatisation illustrerait l’absence d’intelligence.

La stigmatisation est le processus par lequel un individu est discriminé et mis à l’écart en raison d’une caractéristique socialement vue comme dégradante.

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