Les limites de la politique de la concurrence européenne

 

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Il faut distinguer les limites des politiques de mise en concurrence (peu importe où elle se font) des limites de la politique de la concurrence spécifiquement en Europe, qui sont, pour ces dernières, surtout lié à des problèmes de coordination ou de compatibilité : il y a ce que veut l’Union et ce que veulent les Etats qui composent l’Union.

 

Les limites de toute politique de concurrence

  • La concurrence n’est pas toujours souhaitable si elle conduit à des désorganisations dans la fourniture des biens et des services. C’est pour cela qu’il existe toujours des monopoles d’Etat. Par exemple, c’est Réseaux Ferrés de France qui gère les lignes de chemin de fer (pas les transports) pour éviter que ce soit un grand n’importe quoi. Autre exemple, en 1986, en Angleterre, la concurrence entre bus urbains a été particulièrement inefficace : courses entre bus, manœuvre de blocages entre concurrents, etc.
  • La concurrence peut ne pas être souhaitable aussi en raison de décalage de niveaux technologiques. Avec l’ouverture des frontières, des entreprises de niveaux technologiques différents, appartenant à des pays différents, entre en concurrence. Or cette concurrence peut être rapidement faussée entre des entreprises déjà innovantes qui vont chercher à innover plus pour acquérir des pouvoirs de monopole, et des entreprises pauvres technologiquement qui vont abandonner progressivement la compétition. C’est un peu ce qui a été le cas avec les producteurs de volailles bretons dont l’appareil de production n’étaient pas compétitif).
  • La concurrence peut être néfaste pour l’environnement (imaginez que les entreprises qui gagnent soient les plus polluantes) ou pour le social (imaginez qu’elles qui gagnent soient les moins protectrices), ou encore qu’elle génère des inégalités (c’est pourquoi l’éducation est un monopole ou quasi-monopole d’Etat dans la plupart des pays de l’Union.

 

Les limites de la politique de la concurrence posées par le cadre européen

  • Une des principales critiques que l’on peut adresser à la politique de la concurrence dans le cadre européen, c’est qu’elle va entrer en conflit avec la politique industrielle. Un pays ou des pays peuvent avoir intérêt à développer des « géants » pour faire face à la concurrence internationale (surtout celle des entreprises chinoises soutenues par l’Etat).  Mais la création de tels « géants » au sein de l’Union entre en conflit avec les préceptes de la politique de la concurrence qui veut que les entreprises n’aient pas de pouvoir de marché. L’exemple type a déjà été évoqué. C’est celui de l’interdiction de la fusion Siemens-Alstom. Et avec cet exemple, o comprend que la politique industrielle nécessite l’intervention de l’Etat, son ingérence, son soutien, tandis que la politique de la concurrence fait la chasse à ces interventions. En fait, le problème, c’est celui de la coordination entre les volontés des Etats et l’idéologie qui sous-tend la politique au sein de l’union économique. D’autre part, on considère que c’est la concurrence qui conduit à l’innovation mais de tels géants pourraient, eux-aussi, être bénéfiques à l’innovation parce qu’ils auraient les moyens d’investir massivement en recherche et développement.

  • La deuxième critique, c’est que l’Union Européenne ne tiendrait pas compte des disparités entre pays lorsqu’elle impose la concurrence pour certains services publics qui au départ étaient en monopoles. Or, à pays différents, situations différentes. Ainsi, en Allemagne, l’ouverture à la concurrence des transports s’est bien passée tandis que, en Angleterre, elle s’est traduite par une détérioration du service et une explosion des prix. En France, il n’y a pas eu d’explosion des prix mais une détérioration de l’impact sur l’environnement :  l’ouverture à la concurrence des transports publics, en France, s’est traduite par une augmentation du nombre de bus plutôt que par l’amélioration des lignes de chemin de fer régionales. Or les bus roulent à l’essence (très polluante) quand les trains sont électriques (moins polluant), en France.


  • La dernière critique concerne un secteur particulier. La politique de la concurrence européenne ne permet à l’Union de faire face à l’essor des géants du numériques (les GAFAM : Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft ; et les BATX : Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi). Et le numérique inonde tous les pans de la sphère économique et sociale. Le numérique est partout. Il faudrait une politique stratégique européenne qui favoriserait l’émergence de géants européens. Or de tels géants seraient difficilement compatibles avec les règles de la politique européenne. Il faudrait une volonté politique forte comme aux Etats-Unis ou en Chine, or il n’y a pas de réels gouvernement européen qui aurait un budget à allouer à un développement, réel, massif et stratégique, du numérique. 




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