Trois spécificités de la politique conjoncturelle dans l’Union Economique et Monétaire

 

Devant la complexité du modèle européen, on n'a pas toujours envie de rire


La politique monétaire dans l’Union Economique et Monétaire est unique

La première spécificité de la politique économique dans la zone euro, c’est que la politique monétaire est menée par un organisme indépendant (la banque Centrale Européenne) pour tous les états. Il n’y a donc pas un état = une monnaie mais bien plusieurs états = une monnaie.

La Suisse, par exemple, qui n’est pas membre de l’Union Européenne, a sa propre monnaie et sa propre banque centrale qui applique une politique monétaire pour le pays. La Suède qui fait partie de l’Union Européenne a sa propre banque centrale et donc sa propre monnaie que la banque centrale suédoise gère en fonction des intérêts du pays. La France qui fait partie de l’Union Economique et Monétaire (UEM) n’a pas sa propre banque centrale (elle existe toujours mais elle n’a plus de pouvoir véritable), elle n’a pas sa propre monnaie et donc ne peut mettre en place une politique monétaire qui lui serait propre.

La politique monétaire pour les Etats de l’UEM est décidée à Frankfort par la BCE, au même titre que la politique monétaire pour tous les Etats unis est décidée à Washington par la Réserve fédérale.

L’objectif principal de la Banque Centrale Européenne est la lutte contre l’inflation. Les actions sur les taux d’intérêts et la masse monétaire visent ainsi à contenir l’augmentation des prix autour de 2% en moyenne par an.

Cet objectif de lutte contre l’inflation est moins important pour la Réserve Fédérale des Etats-Unis qui a, plus que la BCE, un rôle d’accompagnement de l’activité économique. Son intervention sur les taux d’intérêt joue donc plus sur la stimulation de la demande en favorisant les emprunts notamment.

Ceci dit, par rapport à la gestion de la crise des subprimes de 2008, la BCE a relâché un peu la pression sur les prix, et à plus soutenu la demande, lors de la crise de la COVID.



La politique budgétaire est du ressort de chaque pays

Restons sur des comparaisons Europe/Etats-Unis… L’Europe a 27 états Membres pour quelques 450 millions d’habitants. Les Etats-Unis ont 50 états membres pour quelques 300 millions d’habitants.

Par contre, aux Etats-Unis, le budget fédéral (celui du gouvernement des Etats-Unis) représentent à peu près 20% du PIB états-Uniens, soit en gros 4000 milliards de dollars. Le budget de l’Union Européenne géré par la Commission européenne représente 1% du PIB Européen… Soit 200 milliards de dollars. 

Aux Etats-Unis, le gouvernement fédéral a les moyens de s’endetter pour des plans de relances par exemple. Il peut même être en déficit. En Europe, c’est beaucoup plus compliqué, et avant la crise de la COVID, cela ne se faisait pas. Et, après la crise, on reviendra sans doute au mode d’action originel : ce sont les Etats, de manière indépendante, on pourrait dire isolée, qui s’occupe de la politique budgétaire conjoncturelle.

Ainsi, en 2008, après la crise des Subprimes, Barack Obama a pu mettre en place un plan fédéral de relance de l’activité. L’effort a donc été fourni par l’ensemble de la nation états-unienne. Il y a une sorte de solidarité nationale.

En Europe, cette solidarité ne s’exprime pas (ou très peu) puisque chaque Etat va devoir gérer lui-même sa situation. Ainsi les pays faiblement touchés n’ont pas eu à augmenter fortement leurs dépenses publiques (et souvent leur endettement). Et les pays fortement touchés ont dû gérer seuls soit l’augmentation de leurs dépenses et de leur endettement, soit des politiques d’austérité.

Mais, la gestion de la crise COVID a été différente… plus solidaire.



La politique budgétaire de chaque pays est contrainte par les règles du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC)

Pour cette partie, je ne vais pas me « fouler la rate ». Je reprends ce que nous donne le site vie-publique.fr (31 mars 2021).

« Le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) est l’instrument dont les pays de la zone euro se sont dotés afin de coordonner leurs politiques budgétaires nationales et d’éviter l’apparition de déficits budgétaires excessifs. Il impose aux États de la zone euro d’avoir à terme des budgets proches de l’équilibre ou excédentaires.

Il correspond au souci de l’Allemagne d’éviter qu’une fois entrés dans la monnaie unique, certains pays profitent de leur appartenance à la zone euro pour mener des politiques laxistes [pas très rigoureuse]. En effet, les critères de Maastricht réglementaient l’entrée dans l’union économique et monétaire (UEM) mais aucune règle n’avait été fixée pour contrôler les finances publiques des États une fois qu’ils en étaient membres.

Le PSC a été adopté au Conseil européen d’Amsterdam en juin 1997. […]

Le PSC comporte deux types de dispositions :

la surveillance multilatérale est une disposition préventive : les États de la zone euro présentent leurs objectifs budgétaires à moyen terme dans un programme de stabilité actualisé chaque année. Un système d’alerte rapide permet au Conseil Ecofin, réunissant les ministres de l’économie et des finances de l’Union, d’adresser une recommandation à un État en cas de dérapage budgétaire ;

la procédure des déficits excessifs est de nature plus dissuasive. Elle est enclenchée dès qu’un État dépasse le critère de déficit public fixé à 3% du PIB, sauf circonstances exceptionnelles.

La Commission adresse un avertissement à l’État concerné, puis suggère au Conseil Ecofin d’adresser à ce dernier une recommandation. Celle-ci doit être approuvée à la majorité qualifiée. Si l’État ne met pas fin à la situation de déficit excessif dans les délais impartis, le Conseil peut prendre des sanctions : dépôt auprès de la BCE, qui peut devenir une amende (de 0,2 à 0,5% du PIB de l’État en question) si le déficit excessif n’est pas comblé.

En raison de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19, la Commission européenne a activé la clause de sauvegarde et le Pacte de stabilité et de croissance est suspendu depuis mars 2020. Il s'agit de permettre aux États de faire face aux conséquences économiques de la pandémie ».

Mais une fois la pandémie écartée, les règles du PSC seront à nouveau instaurée, sans doute avec quelques évolutions. Dans les grandes lignes, avant la crise COVID, les déficits budgétaires devaient être contenus (avec des montants inférieurs à 3% du PIB) et les dettes publiques devaient être inférieures ou égales à un montant équivalent à 60% du PIB des pays. (On retrouve les critères de Maastricht).

Les dettes ayant explosées avec la crise, ces 60% du PIB prendront du temps pour être atteints. Il y aura sans doute donc un assouplissement (temporaire ?) des règles. Il n’en reste pas moins que les Etats ne pourront pas faire ce qu’ils veulent en matière de gestion de leurs finances publiques.

Beaucoup critiquent ce manque de liberté qu’impose le PSC, mais il faut rappeler que c’est le non-respect de ces règles budgétaires (par la Grèce initialement) qui avait conduit à la crise des dettes souveraines (2010-2011) qui est venue se greffer à celle des subprimes. Or comme nous l’avons déjà dit, la monnaie étant unique, la perte de crédibilité d’un état peut conduire à la perte de crédibilité de la monnaie et cette perte de crédibilité de la monnaie peut se transmettre à toute la zone euro.

Et c’est, sans doute un peu, parce qu’il fallait redorer le blason de l’euro et de l’Union que les pays ont été contraints d’adopter des politiques d’austérité qui ont rendu la sortie de crise des subprimes beaucoup plus longue qu’aux Etats-Unis.




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