Au centre de la rhétorique : le logos, le pathos et l'ethos

 



Etre éloquent implique de développer une sorte de charisme ou d’aura qui fait de vous un orateur et pas simplement celui qui restitue à l’oral un discours. Et un orateur maitrise à la fois le logos, le pathos et l’ethos.

 


1)      Le logos

Wikipédia : « Tout d'abord, la rhétorique est un discours rationnel, mot issu du grec λόγος / logos. L'argument permet ainsi, par la logique, de convaincre l'auditoire. Mais le logos désigne à la fois la « raison » et le « verbe » (la parole) ».

 

Ce double sens est au cœur de la rhétorique. Votre discours devra être un discours intelligent, pas un discours de comptoir – et c’est ce qu’on vous apprend à faire depuis le collège -  mais aussi un discours bien construit.

On associe souvent à ce logos la notion d’art mais au sens d’artisan, avec une volonté de bien faire son travail et donc, ici, de maitriser les règles du discours.

Sur ce dernier point, il ne faut pas que cela vous effraie. On est au lycée, on sait que vous débutez, mais il va falloir essayer de créer quelque chose de plus qu’un simple exposé, quelque chose qui peut émerveiller (un tout petit peu ?), quelque chose qui fera se dire aux examinateurs que ce que vous avez fait n’est pas un simple rapport ou une simple dissertation…

Quelque chose qui montre que vous y avez mis du cœur.

On reviendra sur le logos parce qu’un Grand Oral ne se construit pas comme un exposé traditionnel ou comme une dissertation.

 

2)      Le pathos

Wikipedia : « il existe aussi une relation émotionnelle, que véhicule la notion de πάθος / pathos. L'auditoire doit être séduit ou charmé […]. Selon Michel Meyer, le pathos comporte trois éléments passionnels : la question choc, le plaisir ou le déplaisir qu'elle occasionne et la modalité sous forme de jugement qu'elle engendre comme l'amour et la haine par exemple ».

 

Je rappelle l’intro du texte de Desproges :

"Est-il en notre temps rien de plus odieux, de plus désespérant, de plus scandaleux que de ne pas croire en la démocratie?

Et pourtant. Pourtant.

Moi-même, quand on me demande: « Êtes-vous démocrate? », je me tâte."

 On voit bien que la question va entrainer une réaction chez l’auditeur. Elle gêne. On a tellement appris que le meilleur système était la démocratie qu’on considère que poser la question ne pourrait venir que de quelqu’un de malveillant. Malgré tout, Desproges était connu et il attirait la sympathie. Il faudra que vous y arriviez aussi.


Je vous donne deux exemple d’une « entrée » de GO de 2022 :

Irène SES

"Quand on pense être un bon élève, intelligent, cultivé, promis à un grand avenir, on peut être tenté d’intégrer une école privée…

Mais, il faut être lucide : plus que de l’intelligence et de la motivation, ce qu’il faut surtout pour entrer dans ces écoles, c’est de l’argent."

Sahra SES/AMC anglais

"Etes-vous sûrs qu’il n’y a pas de sociopathes ou de psychopathes dans votre entourage? Dans votre monde à vous… qui est un sociopathe et qui est un psychopathe?"

 

On voit ici que ces entrées en matière interpellent. Elles demandent à l’auditeur de se positionner, de savoir ce qu’il en est pour lui. 

Voici un autre exemple… On est au milieu du GO. L’élève a déjà expliqué pourquoi elle faisait la démonstration qu’elle était en train de faire, et elle veut montrer que Bourdieu a raison quand il critique le système scolaire. Dans ce paragraphe, elle met l’accent sur le capital économique.

Amel SES

"Le capital économique…

Evidemment que suivant les conditions de travail, l’environnement de travail, mais aussi les revenus, un élève sera plus privilégié qu’un autre. Moi par exemple, alors que j’y était admise, je n’ai pas pu me rendre aux oraux de Sc.Po. Bordeaux parce que ma famille n’en avait pas les moyens.

C’est violent.

Mais cette violence économique, je l’avais subie avant, quand en préparant ces oraux, en consultant leur site, je suis tombé sur la phrase : « si vous avez fait des voyages, n’hésitez pas à faire part de vos expériences ».

Quand on est pauvre, on ne fait pas de voyage… Et on n’a pas d’expérience à partager."


Il y a plusieurs choses à dire sur ce paragraphe.

  • Il est écrit sur un mode plutôt « parlé ». L’écriture n’est pas celle d’une dissertation, c’est celle de quelqu’un qui s’adresse normalement (ou presque) à d’autres personnes. Et vous remarquerez l’emploi du « je ».
  • Tout ce qui est écrit dans ce paragraphe n’est pas tout à fait la vérité. Platon vous dirait que la rhétorique c’est l’art de convaincre, pas de dire la vérité. Ce sont deux choses différentes… Enfin, pour Platon.
  • La relation émotionnelle est accentuée par l’emploi des mots « violent » et « violence » mais aussi avec la phrase de conclusion du paragraphe qui tombe comme une sentence.

 

3)      L’ethos

Wikipedia : « L'ἦθος / êthos, enfin est la dimension de l'orateur, ses vertus et ses mœurs exemplaires, même si c'est avant tout une image que donne l'orateur de lui-même».

Ici, ce qui va importer, c’est donc l’image.

Or cette image peut dépendre de la manière dont vous allez vous dépeindre, mais aussi du langage de votre corps (vos gestes, votre posture, votre apparence).

Vous remarquerez que dans l’exemple de Desproges (la Démocratie), l’auteur est habillé en costume. D’une manière générale, dans ses interventions à la télé (et même à la radio), il était habillé en costume. Sauf dans le tribunal des flagrants délires, émission dans laquelle il était habillé en procureur de la république parce qu’il devait interpréter un procureur de la république.

Si Desproges avait lu le texte La Démocratie en jogging (ou si l’auditeur s’était dit qu’il était en jogging), cela aurait sans doute changé quelque chose. Même chose avec François Hollande et son célèbre « moi, Président »… On dit que l’habit ne fait pas le moine… Il peut y contribuer quand même grandement.

Mais l’ethos repose aussi sur vos phrases. Il y a ceux qui vont vouloir paraitre pour des grands, des engagés, des insoumis, des tribuns, des experts, etc., mais aussi ceux qui vont vouloir passer pour des comiques. Et on peut vouloir passer pour un comique. Tout dépend de votre sujet ou de comment vous l’avez écrit.

 

Deux exemples…

Voici la fin du GO d’Amel qui démontré (ou cherché à démontrer) que Bourdieu avait raison :

"J’ai commencé par dire qu’il ne fallait pas se baser sur son expérience personnelle. Mais elle est là, dans ma tête mon expérience personnelle, et elle me dit que Bourdieu a raison, que les classes sociales existent, ou qu’au moins une existe, celle du haut, celle des dominants…

Elle me dit en tout cas que quelque chose ne va pas et que ça ne peut pas continuer comme ça… que je ne peux pas laisser cela continuer comme ça."

Elle sort « grande ». Elle essaie de montrer qu’elle va se battre et que son raisonnement et aussi son caractère les pousse à se battre.

 

Voici la fin du GO de Sahra qui a présenté ce que sont les sociopathes et les psychopathes et montré qu’il y a un lien entre les défaillances émotionnelles et les défauts d’intégration (sujet SES/AMC).

"Des problèmes d’impulsivité, d’agressivité, de repli, d’isolement, d’intégration sociale… Vous en voyez autour de vous… Peut-être même que je viens de vous décrire?... Peut-être même que je vous ai percé à jour…  que vous allez renverser la table, crier, jeter vos feuilles, m’insulter, sortir de la classe.

La seule chose que je vous demande, c’est de vous contrôler suffisamment pour ne pas uriner dans la salle… Le ménage n’est pas prévu avant la semaine prochaine".

Pour comprendre la sortie, il faut savoir que Sahra avait montré que les sociopathes pouvaient être touchés par une incapacité à se conformer aux normes sociales, notamment légales (elle avait envisagé qu’un sociopathe puisse uriner dans la rue).

On comprend ici que Sahra joue sur l’humour. Avoir un ton décalé peut être une stratégie pour améliorer son oralité. Et Sahra, qui aimait faire du théâtre, a choisi ce mode de présentation. Elle en sortira toujours plus « grande » que si elle avait choisi d’être en retrait ou effacée, ou si elle avait simplement récité de manière monotone une dissertation. 

Là, elle assume qui elle est et cela se ressent.

Enfin, dans le cas de Sahra, il y a tout de même une prise de risque: comment le jury va-t-il réagir à cette sortie, va-t-il adhérer à cette forme d'humour?... Rien n'est moins sûr.

Ceci dit, elle avait eu une très bonne note. Après des journées d'écoute de GO souvent formatés, un GO décalé peut faire du bien au jury pour peu qu'il soit bien construit (logos). 


 

 

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