Bourdieu, la synthèse Weber/Marx et la domination symbolique





Pour Pierre Bourdieu, qui écrit en même temps que Mendras, les classes sociales et les rapports de domination n’ont jamais vraiment disparu (àl’inverse de Mendras qui était son contemporain) et ont conservé leur pouvoir d’explications des faits sociaux (alors qu’un Lahire postule une moindre importance).
Pierre Bourdieu (1930-2002)

Par contre, les classes sociales reposeraient sur plus de critères que chez Marx… En fait, Bourdieu, c’est le sociologue qui va le mieux effectuer une synthèse entre Marx et Weber. Cela donne une théorie complexe que l’on va essayer de simplifier… Et dont les conclusions tendent plus vers Marx que vers Weber…

Les classes, ce sont toujours de grands groupes homogènes mais il n’y aurait pas qu’un seul critère (la détention ou non du capital) qui les fonderait. Il y en aurait trois qui en déterminerait un quatrième :

  • Le capital économique qui serait les revenus et le patrimoine.
  • Le capital culturel qui serait l’ensemble des ressources culturelles dont disposerait un individu (les diplômes, les manière de parler, d’agir, la possession de biens culturels comme le fait d’avoir une bibliothèque, …)
  • Le capital social qui est l’ensemble des ressources sociales (les relations) que possèdent un individu.

Comme il y a des critères plutôt subjectifs, les classes sociales chez Bourdieu ne sont pas réelles, elles sont des constructions du sociologue que l’on peut placer dans l’espace social (comme chez Weber).

Il vous est sans doute arrivé de faire comme ce sociologue et d’attribuer une sorte de place dans l’espace social ou la hiérarchie sociale à un individu en fonction de ces trois critères : un individu semble plutôt riche, avoir tel ou tel type de comportement (dans son phrasé par exemple ou sa manière de s’habiller), savoir qu’il connait telle ou telle personne… et donc avoir une place supérieure à celle des autres.

En fait, la possession de ces capitaux envoie un signal, un symbole. C’est pourquoi Bourdieu considère que ces trois capitaux déterminent le critère essentiel dans la construction des classes sociales : le capital symbolique. Le capital symbolique existe aussi d'ailleurs indépendamment des trois autres. Un exemple, quand une personne a une rue à son nom parce qu'un ancêtre a fait telle ou telle chose dans l'histoire, elle n'est pas tout à fait sur le même plan qu'une autre personne d'une famille "anonyme" au regard de l'histoire.

Il vous est peut-être arrivé de vous sentir mal à l’aise ou inférieurs face à des individus qui étaient plus riches que vous en ces capitaux (un des quatre ou les quatre). Ces individus vous semblaient supérieurs symboliquement. (On retrouve, ici, un peu du prestige de la théorie weberienne). Mais surtout, ce sentiment d'être inférieur est la conséquence de ce que Bourdieu nomme violence symbolique

Pour Bourdieu, la lutte et la domination peuvent se faire au niveau du partage des richesses produites dans l’entreprise ou dans le pays, mais surtout elles se font à un niveau symbolique, au niveau du ressenti des individus (tel individu est-il un dominant, ou un dominé ?).

Bourdieu considère ainsi qu’il existe une classe supérieure, richement dotée en capitaux économiques, culturels, relationnels et, donc, symbolique ; une classe moyenne (moyennement dotée) et une classe populaire. Ces trois grandes classes sont marquées par des rapports de domination : la classe supérieure domine les deux autres classes, la classe moyenne domine la classe populaire.

Mais Bourdieu ajoute qu’à l’intérieur de chaque classe, il y a aussi des rapports de domination. Par exemple, dans la classe supérieure, on retrouve les grands patrons et les professeurs. Ces deux catégories ne sont pas dotées des mêmes types de capitaux (les premiers sont surtout riches en capital économique, les seconds sont surtout riches en capital culturel). Et ces deux catégories luttent entre elles, par exemple politiquement (les patrons votent surtout à droite, les professeurs votent surtout à gauche)… mais aussi culturellement (à chaque alternance gouvernementale gauche/droite, il y a un affrontement idéologique sur les programmes scolaires).

Cela n’empêche que les individus d’une même classe peuvent (plus ou moins consciemment) œuvrer ensemble. 

Par exemple, les programmes scolaires et l’enseignement seraient faits par les dominants pour favoriser les dominants tout en excluant les dominés. Chez Bourdieu, l'école est une institution qui génère une reproduction sociale (le fait qu'on reste dans sa classe sociale) en favorisant les dominants qui ont les codes, qui ont des affinités avec ce qui y est enseigné, et en défavorisant les dominés. Et, dans la réalité, si l’on regarde ceux qui sont globalement en échec scolaire et, donc, qui ne pourront pas compter sur le diplôme pour s’élever : de quelle catégorie ou classe sociale viennent-ils généralement à votre avis ? Très peu de la classe dominante. 

Les professeurs exercent une violence symbolique sur les enfants des catégories défavorisés. (Je le dis parce que c'est peut-être à mettre en relation avec le fait que des adolescents aient incendié leurs écoles durant les émeutes de l'été 2023).

Ajoutons que que, d’autre part, les enfants de la catégorie des dominants se marient surtout entre eux (c'est l'endogamie). Les rallies mondains participent de cette stratégies qui limite l'accès à la classe dominante. 


On a avec Bourdieu une sorte de synthèse entre, d'un côté Weber et ses trois ordres et, de l'autre Marx et sa conscience de classe, ses rapports de domination, sa lutte des classes (symbolique ici) et la faible mobilité sociale. 

Mais au final, on a une lecture de la société qui considère l'existence des classes sociales. Des classes aux contours plus flous que chez Marx mais des classes tout de même qui structure la société d'une manière plutôt simple.








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