La difficile mise en place d'accords internationaux

 


L'environnement étant un bien commun (lien) et la concurrence poussant à sa "tragique" exploitation, il convient de mettre en place des traités internationaux de bonne conduite environnementale...

Mais cette mise en place est compliquée...


Les comportements de type passagers clandestins expliquent la difficile mise en place d'accords internationaux

Mis à part pour l'illuminés qui pensent qu’il n’y a pas de réchauffement climatique ou que ce réchauffement n’est pas dû à l’homme, ou pas aggravé par l’homme, celui qui achète un gros 4x4 sait qu’il a une empreinte plus négative que les autres sur la nature. Mais il fait (on peut le penser) le calcul suivant : sachant que de plus en plus d’individus font attention à la nature, et achètent des véhicules moins polluants, il se dit qu’il peut se permettre d’avoir un gros véhicule polluant et faire passer sa satisfaction individuelle prioritairement à celle collective.

De la même manière, celui qui jette sa canette ou son mégot dans la rue sait qu’il est un con et qu’il aurait pu faire un effort pour aller jusqu’à une poubelle, mais pourquoi faire un effort sachant que d’autres le font, notamment quand ils paient des impôts pour rémunérer des balayeurs.

Ce comportement, c’est le même que celui de l’individu qui prend le train ou le bus sans en payer le billet. Il y a des gens qui paient ; alors pourquoi ne pas profiter du voyage sans faire d’efforts. Ce comportement à un nom : passager clandestin.

Un exemple : l’Australie, un pays riche et très polluants par habitant, n’a pas ratifié l’accord sur le climat de la COP25 de Madrid.

Dans le cadre de la réflexion en terme de passager clandestin, l’explication serait la suivante:

  • Beaucoup de pays se sont engagés à faire des efforts,
  • L’économie australienne repose sur l’utilisation massive du charbon et du pétrole,
  • Réduire les émissions de CO2 serait très couteux pour ce pays
  • Autant laisser les pays ayant ratifié l’accord faire les efforts pour le climat
  • Pendant ce temps, l’Australie fait des économies qui peuvent permettre d’amasser assez d’argent pour une future transition ou attendre que les nouvelles technologies moins polluantes soient moins couteuses à acquérir et à mettre en place.

Ce pays profite du « voyage vers un monde plus vertueux » sans en payer le prix. C'est un passager clandestin.

L'existence de ces possibilités de comportement de passager clandestin influent sur la teneur des accords internationaux : les accords ne peuvent pas être trop contraignants sinon ils ne sont pas ratifiés. 

Et c’est pourquoi ils sont toujours moins ambitieux que ce qu’il faudrait pour être sûr de contrer le réchauffement climatique, ou c’est pourquoi les vraies décisions sont toujours remis à la conférence suivante.

Un accord trop contraignant, c’est un accord qui ne sera ratifié par personne. Un accord contraignant, c’est un accord qui sera ratifié par beaucoup mais que certains ne signeront pas pour adopter un comportement de passager clandestin. Un accord peu contraignant, c’est un accord que tout le monde peut signer, en disant « vous avez vu, on fait quelque chose », mais qui au final revient à ne pas aire grand-chose.

On comprend ainsi toute la difficulté pour les négociateurs internationaux d’aboutir à la mise en place d'accords internationaux.

Rajoutons une petite couche pour faire le lien avec le célèbre dilemme du prisonnier.

Ce dilemme illustre la difficulté pour plusieurs agents économiques ou plusieurs pays de coopérer durablement… Donc, ici, de respecter un accord ou un traité international.

Quand Trump est arrivé au pouvoir, il est sorti rapidement des accords de Paris sur le climat. Dans le cadre du dilemme du prisonnier, c’est ce qu’on appelle la non-coopération ou la trahison. Et les autres pays en ont profité pour ne plus respecter leurs engagements eux-aussi.

Autrement dit économiquement, on est arrivé à une situation sous-optimale.

En réduisant les contraintes environnementales sur les entreprises américaines, Trump voulait les rendre plus compétitives, donc leur permettre de gagner des parts de marchés, sur le dos des autres pays respectant l'accord . Et certains de ces autres pays se sont sentis contraints de ne plus respecter l’accord aussi.

 Ainsi, comme il n’existe pas d’instances capables d’infliger des sanctions aux grandes puissances économiques, les traités internationaux sont par nature difficiles à mettre en place (problème du passager clandestin) et, une fois en place, ils sont  instables (problème du dilemme du prisonnier).



Conclusion : l’environnement étant un bien commun gratuit d’accès, il ne coute rien de l’appauvrir ou de le détériorer ; à l’inverse, il est même coûteux de le préserver. Cette situation invite à avoir un comportement de passager clandestin face à des accords environnementaux ou encore invite à « trahir » ses engagements environnementaux.

Mais il existe une autre manière de justifier la non ratification de l'accord et ce, pour les pays les moins développés. 

 

 

Les inégalités de développement expliquent la difficile mise en place d'accords internationaux

Peut-être que lorsque j’ai donné la définition du passager clandestin, vous avez pu être heurté.

En effet, tel que je le présentais, le passager clandestin était nécessairement un profiteur, un pourri, qui ne payait pas son billet pour voyager… Or on peut être passager clandestin par nécessité. Les passagers clandestins des eurostars qui passent sous la manche, migrants en provenance d’Afghanistan ou d’Iran, ne le font pas parce qu’ils seraient des profiteurs.

J’avais fait de l’acheteur d’un 4x4 une sorte de passager clandestin environnemental. Même chose avec celui (ou celle) qui jette sa canette ou son mégot dans la nature ou sur le trottoir.

Mais on peut comprendre qu’un agriculteur peut avoir besoin d’un 4x4 pour aller dans ses champs et on doit bien trouver des scenarii nous permettant d’expliquer qu’un individu s’est trouvé dans l’obligation de jeter son mégot ou sa canette dans la rue (par exemple, s’il s’est fait renverser par une voiture… on voit mal le gars en sang avec sa commotion cérébrale ramper jusqu’à son mégot pour pouvoir le mettre à la poubelle ensuite, puis s’évanouir, un sourire aux lèvres, avec le sentiment d’avoir accompli sa mission de citoyen du monde).

Ben, pour les accords internationaux sur l’environnement, c’est la même chose.

Mon père (c’est le retour des histoires de pépé Birdy)… Mon père qui est bien plus écolo que moi-même… Mon père, donc, me disait que l’écologie est un problème de riches.

Ce sont plus facilement les riches qui peuvent s’acheter les bonnes voitures écologiques, qui peuvent isoler leur maison, qui peuvent manger bio, etc.

Ce sont aussi les pays riches qui peuvent construire des parcs éoliens, des centrales hydrauliques… qui peuvent traiter leurs eaux usées… qui peuvent demander à leurs entreprises de moins polluer… qui peuvent mettre en place des transports en commun.

Ainsi, à puissance équivalent, le coût d’installation d’une centrale électrique thermique (à charbon ou à pétrole) est beaucoup plus faible qu’un parc éolien.

En France, le secteur de l’industrie, qui est le plus polluant pour l’atmosphère, représente 13% des emplois.  En Inde, c’est 26%. 26% en Inde, c’est à peu près 200 millions de travailleurs… Et quand vous demandez à des entreprises de moins polluer, vous impactez ces 200 millions de personnes.

Nous, on peut donner des leçons. Parce qu’on est un pays développé, on n’a quasiment plus de grosses industries polluantes. Ce qu’il ne faut pas oublier non plus, c’est que c’est en polluant que Européens, Etats-Uniens, Japonais sont devenus riches. Et il est possible que le développement d’un pays pauvre passe par cette phase… sauf si on l’aide… Mais si on l’aide, on le fait avec quel argent ?

En tout cas, on peut comprendre pourquoi beaucoup de pays sous-développés peuvent ne pas ratifier les accords environnementaux. La ratification est un coût économique qui pourrait freiner le développement. 

Les pays pauvres ou en développement cherchent à atteindre notre niveau de vie de pays riches mais ils aspirent aussi à avoir nos modes de vie : le français est très attaché, il paraît, à la voiture ; mais le chinois aussi veut une voiture. Or il n’a pas les moyens d’avoir une voiture hybride. Et l’Indien encore moins.

[Alors évidemment, cela va poser un problème : il y a 40 millions de véhicules en circulation en France pour 67 millions d’habitants (4 voitures pour 7 habitants). En Chine, c’est 300 millions… Mais le jour où ils auront atteint notre niveau de vie et qu’ils auront pleinement copié notre mode de vie, avec 4 voitures pour 7 habitants, il y aura en Chine 800 millions de véhicules. Même chose en Inde…Va faire plus chaud si ces véhicules ne sont pas électriques.]

En conclusion, il est donc difficile de demander aux pays en développement de faire les mêmes efforts qu’aux pays riches. Les inégalités de développement contraignent donc la mise en place d'accords internationaux.

Surtout que nous avons fait notre richesse en polluant et en exploitant souvent les ressources des pays en développement. C’est pourquoi on parle de plus en plus d’une dette climatique des pays riches envers les pays pauvres. Et logiquement, si dette climatique il y a, il faudrait que les pays riches fassent plus d’efforts environnementaux pour laisser le temps aux pays pauvres de se développer et d’adopter des modes de vie et de production plus respectueux de la nature.

On en est encore loin.

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