L'importance de la mobilité structurelle dans la mobilité totale

 

Le remplacement des agriculteurs de l'ancienne génération par des jeunes moins nombreux mais plus productifs

Rappelez-vous l'article sur les tables de mobilité. J'avais dit que la ligne « ensemble » de la table de destinée nous donnait la structure professionnelle de enfants, c’est-à-dire comment ils se répartissent dans les différentes PCS.

2% des enfants devenaient agriculteurs, 7% des enfants devenaient des indépendants (les artisans-commerçants-chefs d'entreprise), etc… Et la catégorie la plus importante est celle des employés, devant celle des professions intermédiaires, devant celle des cadres…

Puis, lors de l’étude de la table de recrutement (ou table d’origine), j'ai dit que la colonne « total » (mais elle pourra s’appeler « ensemble » si le concepteur du sujet veut l’appeler « ensemble »)… la colonne « total » donc donnait la structure professionnelle des pères.

Et donc, on pouvait comparer les deux structures… 

Pour bien faire la démonstration qui suit, je vais travailler avec un tableau plus ancien (celui de 2003 alors que le nôtre était celui de 2018 basé sur les données de 2014) … Mais je n’en ai pas trouvé de meilleur. Et au final, cela ne changerait pas grand-chose à la conclusion.

Ce tableau, c’est celui du sujet de remplacement du bac 2018. Le sujet était le suivant :

À l’aide de vos connaissances et du dossier documentaire, vous montrerez que l’évolution de la structure par catégories socioprofessionnelles constitue un déterminant de la mobilité sociale.

 

Catégorie socioprofessionnelle du fils en fonction de celle du père en 2003

 


Source : d’après l’INSEE, 2003.

Champ : hommes actifs ayant un emploi ou anciens actifs ayant eu un emploi, âgés de 40 à 59 ans, en 2003. La table de recrutement est en gras et celle de destinée en italique.

 

Il fait peur ce tableau, hein ? Détendez-vous, c’est juste une question d’entrainement.

Vous remarquerez que, par rapport, aux tableaux que j’ai pu donner dans d'autres articles, la lecture est inversée: les destinées se lisent en colonne et les origines se lisent en ligne C’est pourquoi, il faut toujours aller doucement quand vous êtes confronté à ce type de document ou de sujet.

Ici, on vous donne une indication de lecture en bas (recrutement en gras et destinée en italique). Mais ayez aussi le réflexe de la case Agriculteur-Agriculteur :

  • 88% est grand nombre / la plupart des agriculteurs sont fils d’agriculteurs/ donc 88% des agriculteurs en 2003 avaient un père agriculteurs / donc 2% des agriculteurs avaient un père artisan-commerçant-chef d’entreprise / donc etc.
  • 22% est un petit nombre parce que peu de fils d’agriculteurs deviennent agriculteurs / donc 22% des fils d’agriculteurs deviennent agriculteurs / et, là, l’addition se fait en colonne donc 6% des fils d’agriculteurs deviennent artisan-commerçants-chef d’entreprise donc etc.

Chaque cellule est intéressante parce qu’elle montre une différence entre destinée et origine. Dans le monde du Moyen-Age, en exagérant un peu, 100% des paysans ont un père paysans et 100% des fils de paysans deviennent paysans.

Ici, c’est loin d’être le cas avec les agriculteurs… Mais c’est loin d’être le cas aussi avec les autres catégories : 52% des fils de cadre devenaient cadre mais seulement 24% des fils cadres avaient un père cadre.


On peut facilement expliquer mécaniquement certaine de ces différences entre génération des pères et génération des fils :

  • Il y a besoin de moins en moins d’agriculteurs… donc de moins en moins de fils d’agriculteurs deviennent agriculteurs (ce qui n’empêche pas que les agriculteurs ont avant tout des parents agriculteurs).
  • Il y a besoin de plus en plus de cadres, donc une grande partie des enfants de cadre deviennent cadre mais surtout beaucoup des nouveaux cadres n’ont pas de parents cadre.

On comprend d’ores-et-déjà que l’évolution de la structure professionnelle va jouer sur la mobilité : s’il y a de moins en moins de places d’agriculteurs dans la société, forcément beaucoup d’enfants d’agriculteurs feront autre choses, ils seront donc mobiles socialement.

Et à l’opposé, si de plus en plus de places de cadres sont créées dans la société, de plus en plus d’enfants vont le devenir.

Le meilleur moyen pour se rendre compte de cette évolution, c’est de comparer la structure professionnelle des pères (visible dans la dernière ligne du tableau) avec celle des fils (visible dans la dernière colonne). 

Mais je vais synthétiser…


 Par exemple; 16% des pères étaient agriculteurs mais seulement 4% des fils étaient agriculteurs. Et, 19% des fils étaient cadres mais seulement 8% des pères étaient cadres.

On a donc d’un côté, des catégories socioprofessionnelles en expansion (dans l’ordre : professions intermédiaires +13 points, cadres +11 points, employés +2 points). Et de l’autre, des catégories socioprofessionnelles en déclin (agriculteurs -12 points, ouvriers -9points, indépendants -3 points). (C’est l’évolution de la structure professionnelle).

Et on appellera « mobilité structurelle » la part de la mobilité totale qui s’explique par l’évolution de la structure socioprofessionnelle.

En 2015, la mobilité structurelle représentait 24% de la mobilité chez les hommes et 35% chez les femmes, selon l’INSEE.

Observons plus en détail les données de l’INSEE.

 


Ici, la comparaison de chaque colonne montre l’évolution structurelle par sexe, avec ensuite la part de mobilité sociale (Ex : en 1977, 63,8% des hommes connaissaient une mobilité sociale, dont 25,3% dus à la mobilité structurelle… La mobilité structurelle représentait donc 39,6% de la mobilité totale).          (25,3/63,8 x100 = 39,6%)

Un petit mot pour terminer. Si, en 2015, 24,2% (pour les hommes) et 34,8% (pour les femmes) de la mobilité est structurelle, cela signifie que 85,8% (pour les hommes) et 65,2% (pour les femmes) de la mobilité n’est pas structurelle.

Cette part de la mobilité qui n’est pas structurelle est appelée mobilité nette. Et elle regroupe tout ce qui fait que les individus bougent dans l’espace social indépendamment de l’évolution de la structure professionnelle ; donc, les politiques mises en place (écoles gratuites, aides sociales, aides à la mobilité géographique, etc) mais aussi les stratégies familiales… C’est-à-dire au final, le rôle des institutions

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